PARTI REPUBLICAIN DES COMORES

HAZI HAKI MASTEHI

 

Point de vue sur le projet de constitution d'Azaly

 

ITSONGABAYA

Azaly a voulu faire un projet de constitution sur mesure. Des membres de la commission juridique du PRC ont livré cette lecture, qui est une contribution au débat. L’analyse officielle du parti procédera d’un large débat interne. Autant dire tout de suite que ce sera une critique, la motivation officielles d’un rejet. Mais la culture du parti nous oblige à étudier ce qui nous est proposé. Nous reviendrons sur ce texte. Certains parmi nous approuveront l’orientation centralisatrice.

Ce texte est un " itsongabaya ". Ceux qui l’ont écrit n’en croient pas un mot. La forme et la procédure ne visent qu’à susciter encore plus de divisions. Et si le pouvoir fort de sa troupe, imposait son référendum, la transition mal définie laisse de nombreuses années à la junte.

Les conseillers étrangers et nationaux poussent, pour sauvegarder leur propre place, à imposer des conditions qui ne laissent le choix aux forces politiques que de tout rejeter, pour que Azaly ait les mains libres.

Ils n’aiment pas nôtre pays ; nous le savons. Eux et Azaly se méprennent sur leurs chances de réussite. C’est dommage pour le pays et dangereux pour eux.

Un projet de constitution pour les Comores de demain discrètement élaboré dans les couloirs du pouvoir circule dans les rues de Moroni. Ce projet, compilation de nos constitutions abrogées ou dissoutes et des rares propositions de constitution élaborées par certains partis, fait semblant de s’inspirer du cadre institutionnel arrêté à Antananarivo sans pour autant s`y conformer. Le projet y déroge lamentablement tant sur la forme, les procédures que sur le fond.

Sur la forme et les procédures, il est de notoriété publique que les architectes de ce cadre, c`est -a- dire les parties signataires de l`accord de Tana ainsi que les partis politiques devaient participer pleinement a son élaboration et a sa mise en forme sous les regards d`une expertise internationale à l’expérience prouvée.

Sur le fond, le projet opère un revirement pour le moins dangereux de nature a compromettre toute initiative de sortie de crise en consacrant un déséquilibre institutionnel au profit d`un pouvoir central fort, omniprésent au détriment de l`île.

Le bloc de compétences accordées a l`Union et la panoplie de prérogatives dévolues au Président de l`Union, chef de l`état, augurent mal la décentralisation d`un pouvoir politique longtemps concentré entre les mains d`une poignée d`hommes et remettent en cause l` émancipation politique des îles, appelées à prendre en mains leurs propres affaires.

L`article 6 du projet de constitution procède à une répartition de compétences entre l`Union et l`île en distinguant les domaines exclusifs de l`Union (défense, relations extérieures, nationalité, monnaie, immigration, enseignement supérieur et recherche scientifique, programmes scolaires et diplômes, douanes et commerce extérieure, transports et tele communications, organisation générale de la santé, régime de protection sociale, statuts des magistrats, militaires et fonctionnaires de l`Union, droits civils, pénal, commercial), des domaines de compétences concurrentes entre l`île et l`Union (justice, planification, impôt et fiscalité et coopération) des compétences exercées conjointement par l`île et l`Union (enseignement primaire et secondaire, planification, jeunesse, sport,culture, radio et télévision).

On le voit, l`île, premier dépositaire du pouvoir, ne bénéficie d`aucun domaine de compétence propre et les compétences concurrentes appartiennent de droit a l`Union "aussi longtemps que les îles ne sont pas intervenues " (Art7) et ne peuvent d`ailleurs intervenir dans ce bloc de compétences concurrentes que lorsqu`elles peuvent " le faire plus efficacement que l`union "(Art.7,al2). Qui en sera juge ?

 

Paradoxalement, " les matières autres que celles qui sont ci-dessus énumérées sont exclusivement de la compétence de l`île " (Art8), qui " établit librement et sans entrave sa constitution " alors que " l`ordre juridique de l`Union a la primauté sur celui des îles " avec " force exécutoire dans tout le territoire de la République " (Art4) et les actes de la Cours suprême de l`Union " s`imposent aux pouvoirs publics tant de l`Union que des îles… " (Art.44). Les articles 4,6,7,8 et 44 du projet brillent tellement par leurs contradictions et incohérences invraisemblables que l’on est en droit de s’interroger sur le sérieux et la compétence de l’auteur : soit l`île exerce les compétences de droit commun et l`Union les compétences d`exception auquel cas les dispositions des articles 4,7et 44 perdent de leurs substances ; soit, a l`inverse, l`île exerce des compétences d`exception auquel cas elle ne peut nullement établir " librement et sans entrave sa propre constitution " encore moins exercer les compétences (lesquelles ?) non énumérées à l’article 6.

Sans préjuger de l’adhésion des Comoriens à un tel projet, ni accuser l’auteur d’incuries juridique et politique, et encore moins d’idiotie ou de cynisme, on ne peut que constater que ce projet efface d’un trait de plume les aspirations légitimes des îles et ignore complètement leur revendication pour une émancipation politique et une autonomie administrative et financière. N’est-il pas sucidaire de vouloir faire fi des acquis d’Addis Abeba et d’Antananarivo ?

L`œuvre d`étranglement des îles se précise de plus belle dans la panoplie de prérogatives attribuées au Président de l`Union, chef de l`Etat. Elu au suffrage universel indirect par l`Assemblee nationale parmi les candidats ressortissant d`une même île (Art.11), le Président de l`Union exerce curieusement et contre toute attente, toutes les prérogatives d`un chef d`état dépositaire de la légitimité populaire. Titulaire du pouvoir réglementaire, il dispose du gouvernement dont il nomme et révoque le Premier Ministre, ses membres (Art.15), préside le Conseil de Ministres (Art.16), nomme aux emplois civils et militaires(Art.17), détermine et conduit la politique étrangère, nomme et accrédite les ambassadeurs, négocie et signe les traites (Art.20) ; Il est surprenant de constater que l`auteur du projet fait preuve de mémoire courte. Par ignorance ou calcul politicien, il feint d`ignorer que le bicéphalisme de l’exécutif n’a jamais servi, du moins aux Comores, qu’au chef de l`etat. La dualité de l`exécutif compose d`un chef d`état qui règne mais qui ne gouverne pas, d`une part, et d`un Premier ministre qui gouverne mais qui ne règne pas, d`autre part, est l`expression d`un model politique tributaire des enjeux socio-historiques spécifiques et irréductibles à la Belgique et la France.

 

" Arbitre " et " responsable du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l`Etat " (Art.9), le Président de l`Union intervient dans l`organisation et le fonctionnement des organes constitutionnels supposés le contrôler et, au besoin, le sanctionner : l`Assemblee nationale et la Cour suprême.

Au regard du pouvoir législatif, l`emprise du Président de l`Union est sans équivoque tant en amont qu`en aval du processus législatif : il peut, seul, ouvrir et clôre par décret les sessions extraordinaires de l`Assemblee nationale (Art.38), demander, avec force exécutoire, une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles, promulgue les lois (Art.17) et peut, par le biais du gouvernement, rejeter les propositions d`amendements des députés (Art.51,al3). De surcroît, il dispose de l`arme fatale contre l`organe duquel il tire sa légitimité : l`Assemble nationale dont il " peut…..prononcer la dissolution "! (Art.19).

Bien que politiquement irresponsable, le Président de l`Union exerce un réel pouvoir législatif par le biais des ordonnances qu`il est censé prendre au nom du gouvernement, ou faire un chantage à celui-ci, en refusant de les signer car rien ne le contraint à le faire. Dans ce même ordre d`idée, il peut faire exécuter le budget, par ordonnance, si l`Assemblee nationale ne s`est pas prononcée dans un délai de 60 jours (Art.58).

Il peut exercer un pouvoir judiciaire de fait : non seulement l`Union établit le statut des magistrats, l`organisation de la justice et les procédures suivies devant elle (Art6), le Président nomme tous les membres de la cour suprême y compris son président (Art.45 et 46). I l est illusoire d`affirmer d`un cote que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif et d`habiliter de l`autre le chef de l`exécutif a designer les membres du pouvoir judiciaire.

En sa qualité de garant de l`unité nationale et de l`intégrité du territoire ( Art.9), le Président de l`Union peut décréter le régime des pouvoirs exceptionnels ou spéciaux (Art.10) sans contrôle ni a priori, ni a posteriori, la cour suprême étant tout simplement " consultée " à leur sujet (Art.10, al.1er). Certes, le Président de l`Union ne peut recourir à l`article 10 dudit projet que " lorsque les institutions de la République, l`unité nationale et l`intégrité territoriale…sont menacées d`une manière grave et immédiate…" mais l`article 20, alinea7 reconnaît " la cession " et " l`adjonction de territoire " sous réserve d`un " consentement des populations intéressées ", les îles. La contradiction est fondamentale et regrettable : soit la " cession " et " l` adjonction de territoire " constituent des actes suffisamment graves pour justifier la mise en œuvre du régime des pouvoirs spéciaux ou exceptionnels ( selon les écoles de droit constitutionnel) tel que prévu à l`article 10 dudit projet ; soit elles constituent des initiatives laissees a l` appréciation des " populations intéressées " au quel cas l`article 10 n` a plus sa raison d`être.

Dans tous les cas, l`expérience constitutionnelle et politique récente met à nu les limites et les dérives dictatoriales du régime des pouvoirs spéciaux : arrestations et emprisonnements arbitraires, privation de libertés individuelle et collective, usurpation du pouvoir, coup d`état etc.). Vouloir renouveler cette expérience qui s`est soldée par un échec serait faire preuve de céssité intellectuelle incurable.

Enfin, le Président de l`Union est irresponsable des actes accomplis dans l`exercice de ses fonctions et même devant l`Assemblee nationale qui l`investit ou plus exactement qui l`élit sauf en cas de haute trahison, non qualifiée par ledit projet. Le Président de l`Union peut-il, par exemple, être accusé de haute trahison en cas de " cession " ou "  d`adjonction de territoire " valablement consentis par l`île ( Art.20, alinéa 7 ) ?. Les cas de violation intentionnelle de la constitution de l`île et/ou de l`Union, de détournement, de concussion ou de corruption sont –ils ou non de nature à justifier la mise en accusation du chef de l`Etat pour " haute trahison " ? Quels sont les cas de haute trahison ? Plus étonnant, l`article 25 dudit projet établit ainsi une immunité en faveur du chef de l`État en violation manifeste des dispositions du Traite de Rome pourtant signe par l`état comorien et, plus précisément l`article 27,al.2 aux termes duquel " les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s`attacher à la qualité officielle d`une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n`empêchent pas la cour (pénale internationale) d`exercer sa compétence a l`égard de cette personne ".Il n`y a plus de doute que la qualité officielle de chef d`État n`exonère en aucun cas sa responsabilité pénale, pas plus qu`elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine !

Le chef de l`Etat, émanation de l`Assemblée nationale jouit maladroitement des prérogatives d`un Président, élu au suffrage universel direct, le peuple. Dès lors aucun artifice juridique ne peut contenir la fougue de sa fonction et l`affrontement avec les organes constitutionnels qu`il nomme (gouvernement et cour suprême) ou dissout (Assemblée nationale) ne peut être exclu. Autre circonstance aggravante, il peut utiliser ses prérogatives constitutionnelles pour créer une agitation populaire en manipulant la population avec laquelle il a la charge de partager son pouvoir d`initiative de révision constitutionnelle ( Art…..)

Chemin faisant, le chef de l`état devant jouer un rôle protocolaire n`a pas a exercer de telles prérogatives. En revanche, s` il était tenu par l`obligation de sa fonction, d`élaborer un projet ou programme de gouvernement, de battre campagne pour l`expliquer aux comoriens et d`obtenir leur adhésion, il serait fonde d`exercer cette panoplie de prérogatives.